Les Assignats

L′assignat était une monnaie fiduciaire mise en place sous la Révolution française.

Après le système de Law (1716-1720), l'assignat est la seconde expérience de monnaie fiduciaire en France au XVIIIe siècle : les deux se soldèrent par un échec retentissant.

 

À l'origine, il s'agissait d'un titre d'emprunt émis par le Trésor en 1789, dont la valeur est gagée sur les biens nationaux par assignation. Les assignats deviennent une monnaie de circulation et d'échange en 1791, et les assemblées révolutionnaires multiplient les émissions, qui entraînent une forte inflation. Le cours légal des assignats est supprimé en 1797.

Débuts

Le fonctionnement de l'assignat est simple : comme il est impossible de vendre tout de suite les biens du clergé, des billets seront émis, qui représenteront la valeur de ces biens par fraction : la valeur d'un bien est divisée en assignats, comme l'on ferait d'une société par actions. Toute personne qui désire acheter des parts dans les biens nationaux doit le faire via des assignats. Il faut donc avant tout que les particuliers achètent des assignats auprès de l'État, c'est ainsi que la rentrée d'argent se fait. Une fois la vente d'un bien effective (ou « réalisée »), le produit de la vente est inscrit au registre civil et, de retour dans les mains de l'État contre remboursement, les assignats doivent être détruits. Ainsi, la rentrée d'argent frais est plus rapide : les biens sont vendus de façon indirecte et par fraction, et non en une seule fois.

 

Dès le début de 1790, les premiers ratés surviennent. Le 30 mars, Anne-Pierre de Montesquiou-Fezensac déclare au sujet des assignats que c'est « le plus coûteux et désastreux des emprunts ».

 

Le 16 et 17 avril 1790, la valeur totale de la première émission est de 400 millions de livres divisés en assignats de 1 000 livres avec intérêt de 20 deniers par jour (soit 3 % l'an). Une valeur nominale si importante ne les destine pas à servir de billets pour la population, mais à être thésaurisés par des investisseurs : certains assignats comportaient même des coupons avec intérêt et leur cotation commence à être discutée.

 

L'idée est loin de faire l'unanimité au sein de l'Assemblée nationale constituante, rappelant la banqueroute du système de Law : des députés comme Talleyrand, Pierre Samuel du Pont de Nemours sont entièrement contre. Pour eux, le problème majeur de l'émission d'assignats est qu'il ne faut pas qu'il y ait plus d'assignats en circulation que la valeur réelle des biens nationaux. De plus, à cette époque, les billets sont facilement falsifiables. Au bilan, il y a donc un fort risque de retrouver en circulation une quantité trop importante d'assignats, et donc de dépréciation.

 

La demande en assignats augmente rapidement. Le 13 septembre 1792, Pierre Didot, qui est chargé par l'Assemblée nationale législative du service de l'impression, confie le contrat à Éleuthère Irénée du Pont de Nemours qui vient d'ouvrir une imprimerie.

 

Dépréciation

Assignat métallique
Assignat métallique

Le 17 avril 1790, l'assignat est transformé en un papier-monnaie : il a donc cours forcé. Et l'État, toujours à court de liquidités, l'utilise pour toutes ses dépenses courantes. La machine s'emballe... L’État ne détruit pas les assignats qu'il récupère ; pire, il imprime plus d'assignats que la valeur réelle des biens nationaux. Jacques Necker, alors ministre des Finances, résolument contre la transformation de l'assignat en papier-monnaie, donne sa démission en septembre.

 

Entre 1790 et 1793, l'assignat perd 60 % de sa valeur. Entre temps, la valeur faciale des assignats se réduit : entre le 4 janvier 1792 et le 23 mai 1793, des valeurs situées entre 10 et 50 sols voient le jour (inférieures à 5 livres), suppléant ainsi à l'absence d'espèces métalliques et répandant l'usage de ce moyen de paiement parmi toutes les couches de population.

 

Bien que l'assignat voie sa valeur réduite, les enchères des biens nationaux restent tout de même très élevées et seules les personnes aisées peuvent les acheter. C'est ainsi que certains s'enrichissent énormément et achètent d'immenses terrains et bâtiments pour presque rien, en comparaison de leur valeur réelle. La surévaluation légale de l'assignat permet d'acheter des biens par conséquent sous-évalués5.

 

Pour soutenir l'assignat, plusieurs lois successives sont votées, toujours plus dures, comme la fermeture provisoire de la Bourse de Paris (décret du )6 et la fin de la publication des taux de change en 1793, de manière à limiter la spéculation, mais aussi de lourdes amendes et de graves peines d'emprisonnement pour toute personne surprise à vendre de l'or ou des pièces d'argent ou traitant différemment la monnaie de papier et les métaux précieux, ce qui comprend le refus d'un paiement en assignat. Le , la Convention décide que les prix de tous les achats et marchés conclus avec l'État seront stipulés uniquement en assignats, mesure étendue le 11 au secteur privé7.

 

Dès les premiers jours de la Terreur, le , la non-acceptation de l'assignat est déclarée passible de la peine de mort : les biens sont confisqués et le délateur récompensé. Le , le commerce au moyen des métaux précieux est interdit. En mai 1794, toute personne qui aurait demandé en quelle monnaie le contrat serait conclu doit être condamnée à mort8.

Malgré tout cela, les pouvoirs politiques ne savent pas faire face à la crise économique, et l'État continue d'émettre de plus en plus d'assignats, pour financer la guerre. Le nombre d'assignats fabriqués correspond à une valeur de 2,7 milliards de livres en septembre 1792 qui passe à 5 milliards en août 1793. Au début de 1794, les assignats émis atteignent un volume de 8 milliards. Toutefois, les autorités ont fini par comprendre que la dépréciation continue des assignats était due à l'excès des émissions. Aussi une partie est-elle retirée de la circulation à partir de 1793 au moyen de l'emprunt forcé. En retranchant les sommes rentrées et brûlées, il n'en reste en circulation que 5,5 milliards. En juin 1794, la création d'un nouveau milliard d'assignats, d'une valeur allant de 1 000 francs à 15 sous, est décrétée, dans le même temps qu'un emprunt forcé sur les riches de 100 millions est lancé par le comité des finances9,10. Après de nouvelles émissions en janvier 1795, cette fois en francs11, les assignats mis en circulation passent la barre des 10 milliards en août 1795 à près de 45 milliards de livres en janvier 179612,13, alors que la somme totale des assignats n'aurait jamais dû dépasser les 3 milliards, valeur des biens du clergé. La cause de l'inflation réside dans la surproduction des assignats, le contrôle des prix ne permettant pas de baisser ceux-ci mais ayant pour effet de créer la pénurie14.

Un grand nombre de faux assignats, fabriqués en Belgique, en Hollande, en Allemagne, en Suisse et en Grande-Bretagne, avec la complicité du gouvernement britannique, alors l'un des principaux ennemi de la France, intéressé à accélérer la crise économique française, ont été diffusés dans le pays

 

Remplacement progressif des assignats

Avant la disparition de l'assignat, les rescriptions de l'emprunt forcé furent émises : elles correspondent à des mandats à ordre au porteur. Elles furent créées par décret le 1er nivôse de l’an IV (22 décembre 1795) et délivrées par la Trésorerie Nationale pour le paiement de ses affaires courantes dans l’attente des retombées de l’emprunt forcé créé par la loi du 19 frimaire de l’an IV (10 décembre 1795). L’arrêté du 29 ventôse de l’an IV (19 mars 1796) impose aux rescriptions le cours forcé de monnaies : des coupures de 25 à 1 000 francs sont émises.

 

Un mois auparavant, sur décision du Directoire, l'assignat est finalement abandonné avec faste lorsque les planches à billets, les poinçons, les matrices et les plaques sont brûlés en public place Vendôme, le 30 pluviôse, an IV de la République ().

 

 

Le 28 ventôse an IV (), l'assignat est définitivement remplacé par un nouveau système, la promesse de mandat territorial venant compléter celui de la « Rescription de l'emprunt forcé » et imprimée en plusieurs couleurs (et parfois en bichromie) afin d'éviter la contrefaçon. L'échange se fait sur la base de 30 francs assignat contre 1 franc en promesse de mandat, au lieu de 300 contre 1, sa valeur réelle, ce qui condamne le nouveau titre dès son émission. Appelé par la suite « Mandat territorial », il connut plus ou moins la même histoire que l'assignat, se dépréciant encore plus rapidement. Le , le mandat territorial est retiré de la circulation.

 

Il faut attendre 1800 pour que réapparaissent des billets émis cette fois par la Caisse des comptes courants puis les comptoirs d'escompte de la toute nouvelle Banque de France.