Antoine Fouquier Tinville

Né à Hérouël en Picardie le 12 juin 1746, mort à Paris le 7 mai 1795, Fouquier-Tinville est issu d’une famille paysanne relativement aisée. Son éducation qui est confiée à des maîtres de collège religieux va le rendre travailleur acharné, avec une volonté obstinée de réussir.

 

Il vient faire son droit à Paris et à l’issue de ses études, il entre comme clerc principal chez le célèbre procureur Cornulier.

 

Il achète ensuite la charge de procureur de son patron en 1773. En 1775 il épouse sa cousine Geneviève-Dorothée Saugnier qui lui donnera cinq enfants.

 

En 1782 il perd successivement sa femme et sa fille cadette. Peut-être par peur de la solitude, il se remarie en décembre de la même année avec Jeanne-Henriette Gérard d’Aucourt fille d’un colon de St Domingue. Pour cet homme qui menait une vie calme et paisible tout va basculer.

 

Ses affaires vont mal, et le 6 novembre 1783 il est contraint de vendre sa charge de procureur à Bligny. Ne pouvant maintenir son train de vie, il change de logement mais cela ne suffit pas. De déménagement en déménagement il tombe de plus en plus bas. Sa famille va pourtant essayer de l’aider en lui achetant une charge de procureur au Châtelet, mais encore une fois il est obligé de la vendre pour subvenir à ses besoins.

 

Comment peut-il tomber si bas ? Le lieu commun historique fait de lui un débauché, un pilier de tripot et un ivrogne. C’est là beaucoup de vices pour un seul homme. Certes ce n’est pas un ascète, mais ce n’est pas non plus l’être sans mœurs que la légende a créé et que l’histoire à presque adoptée.

 

De ce qu’il a fréquenté la Galiote à la Chaussée de Mesnil-Montant, on tire la conséquence de débauches fréquentes. Etait-ce pourtant un lupanar ou un tripot, cette taverne de la Galiote où s’organisaient des parties fines et où le bourgeois s’en venait dans la paix dominicale goûter le petit vin blanc de l’endroit ? Il ne semble pas au vu de l’extrait d’une lettre écrite par un de ses anciens camarades : « Je ne te rappellerai pas ici, mon cher Fouquier, notre ancienne liaison sur le boulevard du Temple, les dîners journaliers que nous faisions à la Galiote et ailleurs avec des braves gens... »

 

Cette lettre qui s’applique aux années précédant le mariage de Fouquier, laisse peu de doutes sur les prétendues orgies de la Galiote. Mais les accusateurs ne le préciseront pas et pour cause. Fouquier-Tinville se jette résolument dans la Révolution, participe à la journée du 14 juillet et se retrouve en 1792 commissaire du district de Saint-Merri.

 

Il prépare le 10 août dans les bureaux mêmes de la Commune de Paris ; aussi est-il nommé directeur du jury d’accusation du tribunal criminel de Paris jusqu’à ce qu’il soit désigné, le 10 mars 1793, par Danton et par Robespierre comme substitut du procureur Faure. Ce dernier refusant sa charge, Fouquier-Tinville devient Accusateur du Tribunal criminel extraordinaire le 13 mars 1793.

 

Durant dix-sept mois, il occupe ce siège, requérant et obtenant la mort de plus de deux mille personnes. Fouquier-Tinville loge désormais au Palais de Justice, il ne sort de la salle d’audience que pour rendre compte chaque soir au Comité de salut public des procès jugés dans la journée et prendre ses ordres pour le lendemain.

 

À l’audience, sans distinction d’opinions, de sexe, d’âge ou de classe, il refuse généralement d’accorder la parole et use même de facéties à l’encontre des futures victimes. Il ira jusqu’à proposer de monter une guillotine dans la salle même du tribunal ! Il requiert dans ces conditions la peine de mort contre Marie-Antoinette, Philippe Égalité, les vingt-deux députés girondins, Hébert, Danton, Camille Desmoulins et il a même le front de constater officiellement à la barre, au 10 thermidor, l’identité de son maître blessé qu’on va exécuter sans procès comme hors-la-loi : Robespierre. Il enverra ainsi plus de deux mille personnes à l’échafaud dont la très malheureuse Charlotte Corday.

 

Il est, cependant mis en accusation le 14 du même mois. Il se rend à la convention, apprend le décret et repart seul. Il peut s’échapper, se mettre à l’abris. y songe-t-il ? Pas un seul instant ! Il va à la Conciergerie, se constitue prisonnier et se laisse écrouer.

 

Maintenant qu’on le sait tombé, la meute s’acharne sur lui. Billaud-Varenne qui a sa tête à sauver rejette toute la responsabilité sur Fouquier-Tinville. Collot d’Herbois, Barère, Vadier ainsi que tous les membres des Comités du gouvernement de la Terreur en feront autant.

 

En compagnie de trente autres accusés, le procès s’ouvre pour une durée de quarante cinq jours. Tous les dantonistes accourent pour venger leur chef. Mais il y a aussi tous ceux que la hache de la Terreur menaça, tous ceux-la qui, suspects, devinaient l’œil de la Loi ouvert sur leurs rapines, leurs concussions, leurs trahisons.

 

On reproche surtout à Fouquier-Tinville les jugements qu’il faisait signer en blanc et la répression de la pseudo- conspiration des prisons. Pour excuser sa férocité, il déclare : « Je n’ai été que la hache de la Convention ; punit-on une hache ? ». Que l’ex-Accusateur eût raison, c’est bien de cela que pouvaient redouter les gens commandés pour l’épuration thermidorienne ! Pouvaient-ils être arrêtés par la puissance indiscutable des arguments du plaidoyer de l’accusé ? Ils étaient là pour l’abattre et non pour le juger. Fouquier-Tinville l’avait pressenti.

 

Seize accusés furent condamnés à mort le 6 mai 1795 et exécutés le lendemain :

 

  • Fouquier-Tinville Accusateur public
  • Hermann président
  • Scellier vice-président
  • Garnier-Launay, Foucault juges
  • Leroy, Renaudin, Prieur, Chatelet, Girard, Vilate jurés
  • Lanne adjoint à la commission de l’administration civile
  • Vernay porte-clés au Luxembourg et à saint Lazare
  • Boyenval, Benoit commissaires du Conseil exécutif
  • Dupaumier administrateur de police