Magasine historia de juin 1976 n°355 Saint Just

Biographie complète sur Saint Just

Accusateur (féroce) non seulement de Louis XVI mais encore des Girondins, de Danton et des hébertistes, représentant (impitoyable) de la Convention aux armées du Rhin et du Nord, membre (inflexible) du Comité de Salut public et enfin victime (impassible) du 9 Thermidor, l'"archange de la Révolution" fut-il un terroriste fanatique ou bien un esprit généreux peu regardant sur les moyens ? Faut-il le ranger parmi les premiers fascistes, les précurseurs des socialistes utopistes ou les ancêtres des léninistes ? Véritable Janus entré en politique à vingt ans et mort à vingt-sept, homme de cœur et homme de système tout à la fois, libertin en 1789 et zélateur de la vertu en 1793, apôtre ardent d'une société fraternelle mais organisateur farouche de la Terreur, Saint-Just fut, à l'évidence, le plus contradictoire de tous les révolutionnaires. Et s'il a, de son vivant comme après sa mort, suscité des jugements aussi tranchés, c'est que les raisons de le haïr (mais non de le mépriser) sont aussi fortes que celles de l'aimer (mais non de l'admirer)

Quête psychologique, portrait érudit, interrogation critique, cette monographie du plus passionnant et littéraire héros de la Révolution française nous fait revivre, en douze tableaux, une tragédie personnelle qui se confond avec l'histoire, et dont l'écho résonne encore aujourd'hui, à l'heure de nouveaux fanatismes.

Il est dix neuf heures trente. Deux tombereaux montent la rue du Rocher en direction du cimetière des Errancis, près de la barrière de Monceaux. Il est tard, on jette pêle-mêle dans la fosse les corps des suppliciés du jour. Parmi eux, Maximilien Robespierre et Louis-Antoine Saint-Just, né à Decize il y a vingt-six ans. Nous sommes le 10 Thermidor de l'An II. Ce jeune homme que rien ne destinait à participer à l'aventure révolutionnaire était mort sans pouvoir prononcer son dernier discours. Celui qui déclarait à la tribune de l'assemblée que "la confiance n'a plus de prix lorsqu'on la partage avec des hommes corrompus -, ou encore - Osez ! ce mot renferme toute la politique de notre révolution", n'aura été député que vingt-deux mois et n'aura pu mettre en pratique la constitution de 1793 dont il fut l'un des maîtres penseurs. Quelles purent être les dernières heures, les ultimes pensées de Saint-Just, homme d'action et penseur d'actes, alors qu'il se savait condamné?

En 1792, à 22 ans, Saint-Just, le plus jeune député de la Convention, se fait connaître par son discours lors du procès du roi, affirmant: "On ne peut point régner innocemment". Dès lors, sa vie se confond avec les aléas de la Révolution. Moins de deux ans plus tard, le 9 thermidor, il est condamné par cette même Convention, qu'il affronte, des heures durant, silencieux et bras croisés. Le lendemain, il est guillotiné. Rimbaud a écrit ses poèmes en l'espace de quelques années, de 16 à 21 ans, dans les éclats de la fin de l'Empire, de la guerre franco-prussienne, du soulèvement de la Commune de Paris puis de son écrasement, et du retour à l'ordre. Après, il tourne le dos à la littérature, voyage et disparaît aux confins de la corne d'Afrique, avant de revenir, malade, se faire amputer et mourir à Marseille. Parcours fulgurants, destins exceptionnels. Par-delà leur jeunesse, le silence dédaigneux de la fin, ils se rejoignent dans le projet, au croisement de la politique et de la poésie, de régénérer les êtres et le monde. Ce livre voudrait proposer une lecture croisée de l'œuvre et de la vie de Rimbaud et de Saint-Just, autour de quelques moments-charnières et de thèmes communs -la fraternité, l'harmonie, le bouleversement de la société- en les réinterrogeant à partir du silence final. L'ambition est de mettre à jour les correspondances entre les deux hommes et de donner envie de les lire et de les relire, en montrant la radicalité et la force de leur action à la lumière d'aujourd'hui.