Mouvements de troupes autour de Paris

Les mouvements de troupes autour de Paris s'intensifient cependant. Le 8 juillet un témoin note "Le régiment Royal-Allemand campe dans le bois de Boulogne. Quatre régiments suisses campent dans le Champ-de-Mars. Provence-infanterie est arrivé aujourd'hui à Saint Denis et le train d'artillerie a été établi à l'hôtel des Invalides", soit environ 30000 hommes placés sous l'autorité du Duc de Broglie (70 ans) secondé par le général Besenval.

 

A l'Assemblée, un comité de constitution s'est organisé autour de Mounier et commence à discuter des préliminaires de la constitution. Le 11 juillet, La Fayette, inspiré par les Etats Unis, suggère qu'une Déclaration des droits de l'homme soit placée en tête de la constitution. Les députés s'inquiètent cependant d'une part des troupes qui arrivent sur Paris et d'autre part du peuple parisien qui commence à s'agiter pour des raisons d'approvisionnement difficile (queues aux boulangeries, pain de mauvaise qualité).

Renvoi de Necker

Le 11 juillet, Louis XVI, pressé par son entourage, renvoie Necker tenu responsable du désordre. Le lendemain, la nouvelle connue à Paris provoque une consternation générale, on craignait sans ce ministre la banqueroute de l'état, la disette générale et peut être une dissolution de l'assemblée.

 

Au Palais Royal, propriété du Duc d'Orléans où la police ne pouvait pénétrer, des orateurs agitaient le peuple par des harangues enflammées. Parmi eux Camille Desmoulins debout sur une table appelle les Parisiens à l'insurrection "Aux armes, ... M. Necker est renvoyé: ce renvoi est le tocsin d'une St Barthélemy des patriotes ...courrons aux armes ! prenons tous des cocardes vertes, couleur de l'espérance ...".

 

Des cortèges de manifestants parcouraient la capitale, aux Tuileries un léger affrontement eut lieu entre des dragons du Royal-Allemand et la foule. Quelques civils furent blessés mais la rumeur en amplifia le nombre et l'émeute éclata soutenue par les gardes-françaises. Le général Besenval n'osa pas intervenir avec pourtant 5000 hommes et Paris fut livré à l'émeute. Toute la journée du 13 juillet on assista à des scènes de pillage et d'incendie : l'anarchie s'installait dans la capitale.

 

Les bourgeois s'inquiétaient du tour que prenaient les événements et de l'insécurité croissante. A l'Hôtel de Ville où s'étaient réunis "les électeurs" qui avaient participé aux élections des députés on décida de créer une milice bourgeoise. Restait à l'armer sur décision du maire de Paris Flesselle alors prévôt des marchands; il hésite cependant à faire donner des armes à une foule aussi agitée, ce qui lui coutera la vie le lendemain.

Prise de la Bastille.

Le 14 juillet, c'est cette quête d'armes qui entraîna les foules tout d'abord aux Invalides où elles s'emparent de 3000 fusils et d'une douzaine de canons puis à la Bastille. Pourquoi la Bastille ? Dépôt d'armes ou symbole de l'absolutisme royal ?

La défense en est assurée par 80 invalides peu motivés, une trentaine de soldats suisses et une vingtaine de canons de calibres divers, le tout aux ordres du Marquis de Launay. Du côté des assaillants, venus pour la majeure partie du faubourg St Antoine, on dénombrait 954 personnes qui reçurent en juin 1790 le titre de "vainqueurs de la Bastille".

 

Après quelques pourparlers avec des représentants "des électeurs" venus négocier avec de Launay, les assaillants dirigés par Hulin (qui deviendra général sous l'Empire), prennent d'assaut la forteresse qui capitule au bout de 4 heures (bilan des pertes du coté des assaillant on dénombre une centaine de tués et autant de blessés, côté garnison 4 tués après la reddition). On libéra alors les sept prisonniers qui s'y trouvaient, 4 faussaires, 2 fous et 1 libertin et on emmena de Launay et ses soldats à l'hôtel de ville. En chemin, de Launay sera massacré par la populace et sa tête plantée au bout d'un pique défilera dans les rues de Paris. Plus tard dans la soirée, la tête de Flesselle viendra la rejoindre, celui-ci ayant été accusé de n'avoir pas voulu armer la milice.

Le retentissement de la journée est immense. Louis XVI qui apprenait la nouvelle le 15 juillet au retour d'une chasse parut étonné "C'est une révolte !" dit-il "Non Sire c'est une révolution .

Il céda une nouvelle fois et promit de faire retirer ses troupes; le 16 juillet Necker était rappelé comme ministre.

 

A Paris les électeurs rassemblés créaient la première commune de Paris dont Bailly fut élu maire. La milice bourgeoise prenait le nom de Garde Nationale aux ordres du marquis de La Fayette.

 

Le 17 juillet Louis XVI accompagné des trois quarts des députés se rendait à Paris. Il y était accueilli par Bailly qui lui décerna la cocarde tricolore (le blanc de la monarchie avait été glissé entre le bleu et le rouge de la ville de Paris).

 

La monarchie absolue était belle et bien finie; les proches de Louis XVI ne s'y trompèrent pas et ce fut la première vague d'émigration (Comte d'Artois, Prince de Condé, Duc de Bourbon, Duc d'Enghien, Polignac, Broglie, Breteuil).

L'été 1789

Anarchie générale dans le royaume

La prise de la Bastille marque l'effondrement du pouvoir royal partout en France; pourquoi donc ce qui a été fait et glorifié par l'Assemblée à Paris ne pourrait-il pas être fait en province ?.

 

Partout les autorités antérieures sont démises de leurs fonctions et remplacées par les électeurs aux états généraux (Strasbourg, Dijon, Bordeaux, Nantes ou Lyon).

 

Il n'y a "plus de roi, plus de parlement, plus de police, plus d'armée" c'est l'anarchie "Tout le monde savait commander et personne obéir" dira Bailly en parlant de Paris. A Paris le 23 juillet l'intendant Berthier et son beau-père Foulon tenu pour affameurs du peuple ont la tête plantée au bout d'une pique pour une promenade expiatoire dans les rues de la capitale. La Fayette et sa garde nationale ne peuvent que constater ces barbaries sans pouvoir intervenir. Les députés déplorent bien sûr l'évènement mais comme le dira Barnave "ce sang était-il donc si pur ?

La grande peur et la guerre aux châteaux

Partout dans le royaume, des rumeurs couraient, on parlait de complot aristocratique, de famine menaçante, d'invasion étrangère, de bande de brigands parcourant les campagnes et brûlant les récoltes. Un peu partout, des groupes de paysans s'arment pour chasser ces bandes de pillards puis finalement se retournent contre les châteaux et les seigneurs en demandant l'abolition des droits seigneuriaux. Plusieurs centaines de châteaux seront pillés et brûlés notamment en Maine et Picardie.

La folle nuit du 4 août

La peur engendrait la peur. A l'Assemblée on craignait ces révoltes et on se divisait à chaque séance sur les solutions à apporter pour rétablir l'ordre dans le royaume.

 

Soudain le 4 août en fin de séance le vicomte de Noailles prend la parole et, déclarant que le seul motif du peuple pour dévaster les châteaux étant dû à la féodalité, il suffisait de supprimer tous ces privilèges pour ramener le calme. Le duc d'Aiguillon prend le relais et propose un rachat des droits féodaux puis le duc du Châtelet. Chacun renchérissant sur l'autre, on supprima dans l'allégresse générale les garennes, les banalités, les juridictions seigneuriales; les provinces abandonnaient leurs privilèges. Le clergé à son tour proposa la suppression du droit de chasse puis de la dîme. C'est ensuite au tour de la vénalité des charges et des privilèges financiers d'être supprimés.

 

C'est toute la société de l'ancien régime basée sur des privilèges et des ordres distincts qui s'écroule dans cette folle nuit.

 

Le 5 août au matin, on avait en une trentaine de décrets votés, le bouleversement social le plus extraordinaire que la nation ait connu. Restait à reconstruire un ordre nouveau.

 

Le 11 août un décret de l'Assemblée avalisait les décisions prises durant la nuit du 4 août. Furent déclarés abolis sans indemnité le servage, le droit de chasse et les justices seigneuriales. Tous les autres droits étaient déclarés rachetables et continueraient d'être payés jusqu'à leur remboursement. Ce décret consacra donc l'abolition de la féodalité. Il proclama l'égalité civile et fiscale, l'abolition des privilèges et de la vénalité des charges.

La déclaration des droits de l'homme et du citoyen

La féodalité étant supprimée, il n'y avait plus en France que des citoyens égaux. Il parut nécessaire de déclarer leurs droits. Mirabeau souhaitait également une déclaration des devoirs de l'homme mais la proposition fut rejetée. La Déclaration fut bâtie en séances publiques, Mirabeau et Sieyès en furent les principaux rédacteurs.

 

Elle niait l'absolutisme et les privilèges, l'arbitraire judiciaire et l'intolérance religieuse.

 

Elle proclamait "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune"

 

Elle énumérait les droits naturels et imprescriptibles de l'Homme "la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression"

 

Elle dégageait un certain nombre de principes "Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ... nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public".

 

Elle confirmait la nécessité d'une séparation des pouvoirs. Également l'idée nouvelle de la Nation apparaît "Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation; nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.".

 

Elle restait cependant prudente et protégeait les biens de chacun "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité".

 

Quelques oublis dans cette Déclaration qui allait être destinée à être placée en préambule de la constitution; il n'est pas fait mention de l'esclavage, des droits des femmes, du suffrage universel, de l'égalité des sexes et du droit au travail. Et de fait on verra plus tard que si dans la Déclaration les hommes naissent libres et égaux et ont des droits égaux, dans la constitution ils n'auront pas ces droits (pas de suffrage universel).

Les journées des 5 et 6 octobre 1789

C'est dans cette ambiance que la nouvelle de l'arrivée du régiment de Flandre à Versailles parvint à Paris fin septembre. Le 2 octobre une autre nouvelle d'un caractère nettement contre-révolutionnaire émut la capitale: lors d'un banquet tenu à Versailles la veille, les soldats et officiers de ce régiment auraient foulé aux pieds la cocarde tricolore et arboré la cocarde blanche. Les meneurs s'emparèrent du symbole et organisèrent très artificiellement une marche des femmes sur Versailles ayant comme objectif officiel la demande de pain au roi. En fait la marche était organisée par des agitateurs, peut-être à la solde du duc d'Orléans, et ses objectifs réels étaient d'obtenir la sanction du roi sur les décrets en attente et l'installation du roi à Paris.

 

Le 5 octobre au matin, 7000 à 8000 femmes menées par un des vainqueurs de la Bastille, Maillard, marchent sur Versailles. Plus tard dans l'après-midi, La Fayette bien malgré lui suivra avec sa Garde Nationale. Pendant ce temps à l'Assemblée, présidée par Mounier, on discutait de la conduite à adopter face au refus du roi de signer les décrets. Vers 16h30, les femmes arrivent et une partie d'entre elles envahissent la salle réclamant du pain et la sanction du roi. Sous la pression, les députés chargent Mounier d'aller réclamer le pain et la sanction à Louis XVI. Celui-ci de retour de chasse avait trouvé Versailles bien agité, il reçut Mounier et une délégation de Parisiennes et donna rapidement des ordres pour faire venir du blé dans la capitale. Il leur remit également tout le pain qui trouvait à Versailles. Concernant la sanction des décrets, il refusait toujours de signer. Dehors, les manifestants prenaient de plus en plus d'ascendant sur les gardes du roi. La garde nationale Versaillaise était apparue et semblait se ranger du côté des manifestants et le roi était toujours indécis sur l'attitude à tenir. Finalement à 22h le roi, inquiet du tour que prenaient les événements, se décide à sanctionner les décrets. Mounier retourne à l'Assemblée porteur de la bonne nouvelle.

 

La Fayette arriva à 22h30 avec ses gardes nationaux trempés par la pluie et épuisés par la marche. Le roi repris confiance et rentra dans ses appartements (il était 2h du matin). Les gardes nationaux assuraient la garde du château. La Fayette retourna alors à l'Assemblée et obtint de celle-ci qu'elle lève séance en lui assurant qu'il avait la situation en main.

 

Le 6 octobre, vers 6h du matin des manifestants après une nuit très largement arrosée pénétrèrent dans la cour du château. Un affrontement eut lieu avec les gardes du corps, deux sont tués, leurs têtes mises au bout d'une pique et les assassins se ruent dans les appartements royaux. Marie Antoinette se précipite chez le roi. La Fayette intervient un peu tard, les gardes du corps et nationaux fraternisent. La foule dehors veut voir Louis XVI au balcon, il s'exécute et la foule lui crie alors "A Paris !"

 

A 13h le roi quitte Versailles pour Paris accompagné de toute la famille royale ("Le boulanger, la boulangère et le petit mitron"). Son carrosse était précédé par des gardes nationaux entourés des manifestants, les gardes du corps et les gardes suisses désarmés, derrière suivait la majeure partie des gardes nationaux et le reste des manifestants. A l'entrée de Paris, Bailly accueillit le roi sous les applaudissements de la foule et le carrosse royal arriva finalement aux Tuileries à 22h.

 

Depuis 11h à l'Assemblée Mounier et les monarchiens sont blêmes d'émotion, leur souhait d'une constitution avec une monarchie forte s'est éteint ce matin. Mounier choisira l'émigration.

 

L'aile révolutionnaire de l'assemblée vote, sur proposition de Barnave, la décision de suivre le roi à Paris. Cette décision sera très lourde de conséquence pour les années à venir. Un nouveau pouvoir allait maintenant faire pression sur l'Assemblée : La rue, soulevée et guidée par quelques meneurs, sensible aux rumeurs, violente et versatile. Il faudra maintenant tenir compte de cette puissance d'autant plus que le roi et l'assemblée seront à sa merci dans Paris.